mercredi 24 octobre 2012

La boite aux lettres jaune


Sur un photo-montage de Jo Hedwig Teeuwisse, à voir ici
Cherbourg, rue Armand Levéel. 
(Jo Hedwig Teeuwisse / Michel Le Querrec / Fold3)

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La boite aux lettres jaune


Chaque jour, elle descend ces marches
Pour chercher le pain, parler à un voisin.
Sa boite aux lettres est vide, encore aujourd'hui.
Une journée de plus. Une belle journée de juin.

Ils avaient acheté cette maison, des rêves plein la tête,
Ceux d'une vieillesse heureuse, paisible.
L'un près de l'autre ils recevraient les enfants
Qui viendraient souvent, c'est sûr.

Il était dans le jardin, ce matin-là. Son coeur a lâché.
Elle à l'étage, secouait les oreillers, un jour comme ça.
Le médecin, le type des Pompes funèbres,
Les voisins partout, et la maison vide tout à coup.

Elle a peuplé comme elle a pu sa solitude installée,
évoquant ici et là ceux qu'elle aimait,
Les souvenirs des jours heureux.
Mais un souvenir, ça ne peuple pas une maison.

Et puis un jour, dans le journal, elle a vu la photo.
Un soldat, debout devant chez elle, tête nue.
Un soldat, assis sur les marches, se repose.
Ses marches. Le petit escalier qui mène au jardinet.

Elle regarde le muret, tout pareil qu'aujourd'hui.
Elle pense à la guerre. Ses parents lui racontaient
Les privations, l'occupation, les bruits des coups de feu,
Les blindés et les morts. Tout ça, c'est bien loin.

Les détails d'un mur si familier...
Puis son regard s'attarde sur l'homme assis.
Soudain elle comprend pourquoi celui qui est debout
A ôté son casque.

Hommage fugace à celui qui n'est plus,
Mais dont le fantôme reste assis,
Sous une boite aux lettres jaune
Qui n'existait pas encore.

Jean-Pierre Gardelle

***

Autres oeuvres de Jo Hedwig Teeuwisse : http://www.flickr.com/photos/hab3045/sets/

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