Le carnet sur lequel on note
des idées, le journal de bord aux pages maltraitées devient un blogue, un
cybercarnet, dans le monde internet. Ce carnet de papier, témoin
de nos griffonnages, reste secret. Et l'on peut y noter hésitations et
maladresses, incongruités et tâtonnements sans craindre les quolibets.
Un jour pourtant il faut se
lancer, et soumettre au public - ceux qui veulent bien te lire, en réalité -
des formes que l'on espère plus abouties de ces notes initiales, ces esquisses
et essais que les carnets dissimulent.
Alors - on est déjà demain - le clavier remplace le
stylo, et les signes s'alignent sur l'écran, puis vient le moment d'enfoncer la
touche qui marque la bascule de l'intime à l'exprime, de soi au livré. La
touche qu’on a envie de nommer « retenir »,
ENTER
Alors se produit l’étonnant.
Tes mots sont envoyés dans un monde étrange et incertain, mystérieux,
immatériel. Univers à l’alchimie inquiétante de Riens et d’Uniques. Le Zéro n’a plus qu’un seul interlocuteur, le Un. Le Un ne valse ni
ne quadrille, seul avec Rien. Il est confiné au rôle de miroir du Zéro. Le Zéro se reflète lui-même. Le Un reste unique.
O | O
Cette simplicité extrême exprime pourtant
les nuances les plus subtiles, pour peu qu’on mette suffisamment de ronds et de
barres dans la marmite informatique, dans le chaudron toujours bouillonnant du
triple-double-vé.
Puis les fils et les ondes,
ce qu’on voit et ce qu’on ne peut voir, envoient ce fatras de bits vers les
rivages les plus lointains – ou le voisin le plus proche, mais tu n’en
sais rien !
Un peu comme la spirale, si simple en
apparence. Un point d’où part un trait, qui s’éloigne doucement de son berceau
tout en tournant autour, sans fin mais non - point - sans début. Le trait se
détache peu à peu de son origine, sans jamais l’abandonner tout à fait,
élargissant l’espace qu’il peut enserrer. Mais prends garde : dans le même
mouvement, le vortex englouti ton regard dans le vertige de son unique spire.
Il faut le garder à la bonne distance, qui permet d’embrasser sans se consumer,
de communier sans s’embrouiller, de contempler sans être hypnotisé.
L’escalier en colimaçon, autre image,
tourne et tourne encore. Il te conduit – si tu en acceptes l’effort – de haut
en bas, et de bas en haut, selon ton humeur. Là aussi, deux directions
seulement : le bas, le haut. Seul le nombre des degrés transporte ici ou
là l’aventurier patient, sans jamais l’éloigner de l’axe central, tout en lui
faisant découvrir d’insolites points de vue.
Oui, le voyage a commencé.
Oui, le voyage a commencé.
Jean-Pierre Gardelle
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